Christian Perspectives on War and Peace, Identity and Nation (24 September 2018, Geneva)

Translate:

 

Perspectives chrétiennes sur la guerre et la paix, l’identité et la nation

La 32e rencontre internationale de l’Association Internationale pour l’Enseignement Social Chrétien (AIESC) a réuni plus d’une vingtaine de membres et invités pour un colloque sur les perspectives chrétiennes sur la guerre et la paix, l’identité et la nation. Elle a eu lieu du 31 août au 3 septembre à la Sainte-Garde à Saint-Didier (France) sous le soleil, rythmée par les temps spirituels, les partages et les échanges conviviaux. Retour sur quelques réflexions, idées et questions exprimées au long des sessions.

« Je suis ». Quelle place encore pour l’identité aujourd’hui ? À la fois trophée que l’on brandit pour se faire une place en société et écharde mal placée dans un univers global, la notion gêne parce qu’elle est puissante. Le sentiment national est-il un horizon d’espoir pour la préserver ou les risques d’intégrisme sont-ils trop grands pour éviter de le bannir ? Nous vivons dans un monde d’Etats-nations où guerre et paix s’alternent ou se suivent au détriment des hommes pris au piège de cette alternance que d’aucuns disent inévitable. La nation pourrait être un point de rencontre salvifique pour une société en quête d’identité, à la condition de s’accorder sur ce qu’elle est et représente.

Derrière nos nouveaux yeux de verre (les écrans portables) le consumérisme et le matérialisme préparent un avenir informatique incertain pour l’humain, contrôlé et remplacé par les greedoids asservis sans états d’âme au profit de l’efficacité et de l’automatisation. Pourtant, selon certains, les guerres digitales font déjà rages, elles sont invisibles. Elles ont lieu à chaque fois qu’on tente d’asservir par des moyens induits – algorithmes – la liberté de décision de quelqu’un.

Les combats politiques de ces dernières années, centrés en Europe et ailleurs sur le danger d’un déficit démocratique, mettent en lumière des monstres assoiffés de pouvoir. Populisme, technocratie, élitisme ou encore autoritarisme, autant de notions diffuses et diffusées, pour lesquelles tous auraient une définition, mieux, une solution. Entre un Charybde du populisme et une Scylla de la technocratie, c’est finalement bien le difficile équilibre qui pourra préserver la démocratie. Un climat de peur et de défiance, marqué par les résurgences nationalistes et la tentation autoritaire de certains pays, met à mal la communauté de l’Union européenne et sonne comme un avertissement pour le continent, qui oublie peu à peu la marque encore ardente de ses guerres et sa vocation avant tout pacificatrice.

Au travers du prisme indien, il apparaît plus clairement que les risques pour la démocratie sont multiples et d’origines toujours diverses, souvent éloignés des conceptions européennes. En Inde, où les minorités cohabitent, parfois avec difficulté, le risque d’un nationalisme tendant vers le fanatisme ethnique ou religieux est véritable, marqué par des incidents ponctuellement violents. La désintégration de l’unité nationale pousse au nationalisme, et vice versa.

Par la crise des valeurs, les temps modernes ont bien du mal à se mettre d’accord sur les contours d’une guerre juste, ou plutôt justifiable. Les débats juridiques à ce propos qui animent le droit humanitaire international semblent par ailleurs détourner le regard d’une question prioritaire pour le chrétien : comment promouvoir une paix juste ? De Saint Nicolas de Flüe aux militants modernes, en passant par Gandhi, les diplomates du Vatican ou encore les médiateurs suisses, les exemples d’acteurs pour la paix sont multiples. Leur diversité est gage d’espoir : tous ont un rôle à jouer dans la promotion d’un monde pacifique, mais chacun à sa manière. On pourrait alors se surprendre à rêver que la paix est universelle, du moins dans son caractère vital. En fin de compte, nous voudrions juste la paix.

Difficile mission que d’imposer la douceur dans une économie intrinsèquement violente. Afin que chacun y trouve sa place, l’économie moderne doit trouver un équilibre judicieux entre d’une part l’encouragement du talent des uns et d’autre part une distribution équitable des richesses entre tous. Plutôt que d’abandonner la paix à son acception négative (la paix comme absence de guerre), il sera donc judicieux d’en faire un outil positif, un moyen et non pas un but lointain.

D’après l’enseignement social chrétien, et plus particulièrement celui de l’Eglise catholique, la paix juste surgit au centre d’une toile sociale aux points d’ancrages multiples. Les cadres économique et politique s’entremêlent et doivent faire l’objet d’un développement favorable à la dignité de la personne. De même, la justice est la boussole indispensable pour obtenir des interactions pacifiques, mais elle insuffisante si elle n’est pas dépassée et englobée par la charité. Le pape Paul VI prophétisait une « Civilisation de l’Amour ». Elle sera le fruit d’efforts individuels et collectifs dans tous les domaines, en famille comme en entreprise, chez soi ou à l’ONU.

Que faire contre les « structures de péché » comme disait S. Jean-Paul II – qui cristallisent la faute en autoroutes du mal ? Elles sont omniprésentes, tout comme les « structures pour le bien commun ». Le chrétien se doit de les identifier et de les renforcer par son action dans sa vie sociale et professionnelle. C’est le seul chemin de la paix juste. Face à l’affaiblissement des normes fondamentales qui garantissent le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, devant la défaillance croissante des Etats et organisations internationales intergouvernementales, la société civile doit prendre le relais pour résoudre les conflits, pacifier les relations, préserver l’homme de sa propre dérive tout en redécouvrant et en puisant dans la puissante source d’inspiration qu’est l’enseignement social chrétien.

Au terme du colloque les participants repartent avec le sentiment d’avoir, dans le dialogue et l’amitié, mieux compris l’importance qu’ont pour chacun ces forces des échanges scientifiques éclairés par des valeurs partagées et toujours à approfondir.

Contact:

Paul Dembinski, Observatoire de la finance, Genève – +41 (0) 763465519, dembinski@obsfin.ch

Pascal Ortelli, Plateforme Dignité et Développement, Fribourg – + 41 (0) 795754159, pascal.ortelli@dignitedeveloppement.ch

 

Communiqué de presse – Genève, septembre 2018